La résistance aux antibiotiques, ou antibiorésistance, en Europe, en France et en Suisse et plus spécifiquement celle de Streptococcus pneumoniae

L’acquisition de résistance d’une bactérie à un antibiotique a des conséquences graves. Elle est responsable d’une morbidité et d’une mortalité accrues et augmente les coûts de santé.

C’est pourquoi, les pays de l’UE et la Suisse ont mis en place des réseaux de surveillance de l’évolution des résistances des isolats de bactéries aux antimicrobiens incluant Streptococcus pneumoniae.

Les résultats ont montré des pourcentages préoccupants d'isolats résistants même si, dans certains cas, certaines résistances diminuent.

Streptococcus pneumoniae, ou le Pneumocoque, est un agent pathogène responsable d’infections aériennes supérieures, de pneumonies invasives, des infections sanguines et de méningites. Il est fait parti des bactéries surveillées par ces réseaux en raison de sa pathogénicité et des résistances observées notamment à la pénicilline et l’érythromycine.

Qu’est-ce que l’antiobiorésistance ou resistance aux antibiotiques ? Quelles sont les conséquences de la résistance des bactéries aux agents antimicrobiens pour la santé publique ?

La résistance aux antibiotiques, encore appelée antibiorésistance, ou plus largement la résistance aux antimicrobiens, est la capacité d’un microorganisme, en l’occurrence une bactérie, à résister à l’action d’un ou de plusieurs agents antimicrobiens ou antibiotiques. Les isolats cliniques humains de bactéries sont classés comme «sensibles», «intermédiaires» ou «résistants» en appliquant des seuils cliniques déterminés par le CMI (Concentration Minimale Inhibitrice). Cette interprétation indique la probabilité d’un succès thérapeutique avec un certain antibiotique et aide ainsi le médecin à choisir le meilleur traitement possible.

Le développement de l’antibiorésistance est un phénomène naturel causé par des mutations dans les gènes bactériens ou par l’acquisition de gènes de résistance exogènes qui se propagent entre les bactéries.

Les principaux facteurs à l’origine de l’apparition et de la propagation des résistances aux antibiotiques sont l’utilisation d’agents antimicrobiens et la transmission de microorganismes résistants aux antibiotiques entre humains, entre les animaux et l’environnement. Alors que l’utilisation d’antibiotiques exerce une pression écologique sur les bactéries et contribue à l’émergence et à la sélection des antibiorésistances, de mauvaises pratiques de prévention et de contrôle des infections et des conditions sanitaires inadéquates favorisent la propagation de ces bactéries.

Les conséquences peuvent être graves, car un traitement rapide par des antibiotiques efficaces constitue l’intervention la plus importante pour réduire le risque de mauvaise issue d’infections graves. En effet, la résistance aux antibiotiques est responsable de la morbidité et de la mortalité accrues et augmente les coûts de santé de manière significative. L’augmentation de la résistance aux antibiotiques, y compris aux antibiotiques de dernière ligne, suscite de graves préoccupations.

Le réseau de surveillance des résistances aux antibiotiques en Europe, incluant la France, l’Allemagne et l’Italie, et en Suisse

La surveillance de l’utilisation et de la résistance aux antibiotiques permet l’élaboration des plans d’action par les différents pays, afin de déterminer l’ampleur du problème et l’efficacité des mesures prises. Elle appelle des efforts concertés et une coopération étroite entre les pays.

En réponse de la décision du Parlement Européen et du Conseil face au phénomène d’antibiorésistance, l’UE a créé le réseau européen de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (EARS-Net)(1). Les pays communiquent des données sur tous les groupes antimicrobiens sous surveillance par le biais de leurs propres organisations nationales. Les 28 États membres de l’UE ainsi que l’Islande et la Norvège participent à l’EARS-Net. Les données d’EARS-Net sont exclusivement basées sur des isolats invasifs du sang ou du liquide cérébrospinal.

En France, c’est l’ONERBA (Observatoire National de l’Epidémiologie de la Résistance Bactérienne aux Antibiotiques), avec les trois réseaux engagés dans la surveillance des bactériémies et le CNR des pneumocoques qui fournit, avec Santé Publique France, les données à l’EARS-net. En Allemagne, c’est le Robert Koch Institute qui est en charge de ceci et en Italie le National Institute of Health.

En Suisse, le Centre Suisse de Résistance aux Antibiotiques appelé Anresis.ch a été créé dans le cadre du programme national de recherche 49 «Antibiotic Resistance»(2). Il fait suite à la volonté politique d’une collaboration étroite entre la médecine vétérinaire et humaine indispensable pour maintenir et promouvoir la santé de l’homme et de l’animal, pour économiser les ressources et pour préserver l’environnement. Cette approche interdisciplinaire baptisée « One Health » implique le Département fédéral de l’intérieur et le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche qui ont chargé l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) et l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) d’élaborer une stratégie nationale contre la résistance aux antibiotiques (Strategie Antibiotikaresistenzen, StAR). Anresis.ch collecte et analyse des données sur la résistance aux antibiotiques fournies par les laboratoires de microbiologie clinique participants : les laboratoires universitaires analysant les isolats provenant d’hôpitaux et les laboratoires cantonaux et privés, représentant des données provenant de petits hôpitaux et d’ambulatoires.

Analyses des résultats de surveillance à l’antibiorésistance du Streptococcus pneumoniae ou Pneumocoque en Europe, France et Suisse

Streptococcus pneumoniae, encore appelé Pneumocoque, est une cause fréquente d’infections des voies respiratoires supérieures telles que le rhume, la sinusite et l’otite moyenne, mais il s’agit aussi d’un agent pathogène courant dans les pneumonies invasives, les infections sanguines et les méningites. Il est à l’origine de nombreuses maladies chez les jeunes enfants, les personnes âgées et les patients dont les fonctions immunitaires sont compromises.

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Le mécanisme de la résistance à la pénicilline chez Streptococcus pneumoniae consiste en des modifications des protéines liant la pénicilline (PBP), qui peuvent entraîner une affinité réduite pour la péniciline G et un spectre variable d’autres bêta-lactamines. L’acquisition de la mosaïque PBP se traduit par différents degrés de résistance, allant de la résistance clinique de faible niveau – appelée classiquement intermédiaire (I) – à la résistance clinique complète (R).

Dans les pays de l’UE, les pourcentages de résistance au Pneumocoque étaient généralement stables au cours des années 2013 et 2016, mais avec d’importantes variations inter-pays, comme pour les années précédentes(3).

Les pourcentages nationaux d’isolats présentant une non-sensibilité à la pénicilline se situaient entre 0,4% et 41,1%. Par exemple, l’Allemagne ne présente que 4% d’isolats non-sensibles à la pénicilline en 2016 alors que l’Italie en présente 6,5% avec une très nette diminution de 55% depuis 2013, et la France en présente jusqu’à 25,3% ! Ce chiffre corrobore les résultats du rapport de l’ONERBA 2015 qui montrent notamment des souches résistances et intermédiaires à la pénicilline et à l’amoxicilline dans des cas d’otites chez l’enfant de 44,7% et 22,1% respectivement(4). Toutefois, l’EARS-Net précise que les données peuvent ne pas être comparables entre tous les pays et entre les années, car les seuils cliniques utilisés pour déterminer la sensibilité à la pénicilline chez Streptococcus pneumoniae diffèrent selon les directives utilisées et le site de l’infection.

Dans le rapport d’EARS-Net 2016, la non-sensibilité aux macrolides, notamment à l’érythromycine, était, pour la plupart des pays, supérieure à la non-sensibilité à la pénicilline, jusqu’à 60,0%. La non-sensibilité combinée à la fois aux pénicillines et aux macrolides était moins fréquente, la majorité des pays ayant signalé ce phénotype pour moins de 10% des isolats testés(3).

En Suisse, en 2015, le taux de non-sensibilité à la pénicilline était de 6,1%. Avec 6,6%, le taux de non-sensibilité aux macrolides est légèrement supérieur à celle de la pénicilline. La résistance à la lévofloxacine est encore très rare en Suisse. La résistance du Pneumocoque pour le triméthoprime-sulfaméthoxazole et l’érythromycine est plus élevée que celle à la pénicilline mais pas pour la lévofloxacine. Au cours des 10 dernières années, une légère diminution de la résistance aux antibiotiques chez Streptococcus pneumoniae pour la pénicilline, le triméthoprime-sulfaméthoxazole et l’érythromycine a été observée(5).

La plupart des pays de l’UE ainsi qu’en Suisse ont mis en œuvre une vaccination systématique pour les enfants utilisant des vaccins conjugués contre le pneumocoque multivalents qui aura probablement un impact sur l’épidémiologie de Streptococcus pneumoniae non sensible en Europe.

Les résultats globaux de l’évolution de l’antibiorésistance en Europe, France et Suisse

Les données EARS-Net pour 2016 montrent que la résistance aux antibiotiques reste une menace sérieuse pour la santé publique en Europe(3). Comme les années précédentes, la situation de la résistance aux antimicrobiens en Europe présente de grandes variations en fonction de l’espèce bactérienne, du groupe antimicrobien et de la région géographique. En général, les pays du nord ont déclaré des pourcentages de résistance inférieurs, tandis que des pourcentages plus élevés ont été signalés dans le sud et l’est de l’Europe. Ces différences sont très probablement liées aux variations de l’utilisation des antibiotiques, aux pratiques de prévention et de contrôle des infections et aux différences dans les schémas de diagnostic et d’utilisation des soins de santé dans les pays.

En France, le travail des réseaux de l’ONERBA depuis 1997 permet de documenter l’évolution de la résistance aux antibiotiques soit vers plus de sensibilité (Staphylococcus aureus et oxacilline, Streptococcus pneumoniae et bêta-lactamines) soit vers moins de sensibilité (Escherichia coli ou Klebsiella pneumoniae et bêta-lactamines), sans certitudes sur l’avenir de ces tendances évolutives(4).

La Suisse, quant-à-elle, indique dans un rapport de 2016(5) que les taux de résistance à la méticilline de Staphylococcus aureus ont nettement reculé depuis 2004, en particulier en Suisse romande, comme cela a été également observé dans quelques autres pays européens, comme les pays limitrophes que sont l’Allemagne, la France et l’Italie. La résistance à la pénicilline de Streptococcus pneumoniae a également diminué au fil du temps, probablement grâce à l’introduction de vaccins contre les infections invasives à pneumocoques. Chez les entérocoques, les taux de résistance à la vancomycine, très faibles, sont restés stables au cours de la décennie écoulée. En revanche, la résistance aux quinolones et aux céphalosporines de troisième génération croît de façon régulière chez Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae, comme cela a pu aussi être observée en Europe. Heureusement, la résistance aux carbapénèmes, antibiotiques de dernière génération, est encore rare chez Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae. Dans la majorité des pays européens, on observe toutefois une résistance aux carbapénémes croissante chez Klebsiella pneumoniae. Chez Pseudomonas aeruginosa, de fortes progressions dans les taux de résistance ont été observées depuis notre rapport de 2013 pour la ceftazidime et les aminoglycosides. Aucune modification significative n’a été observée chez Acinetobacter spp.

  1. Annexe 1 de la décision 2000/96 / CE de la Commission relative aux maladies transmissibles à couvrir par le réseau communautaire en vertu de la décision n ° 1082/2013 / UE du Parlement européen et du Conseil sur les menaces frontalières pour la santé.
  2. Swiss National Science Foundation. National Research Programme NRP 49 Antibiotic Resistance, Final Report. March 2007.
  3. European Centre for Disease Prevention and Control. Surveillance of antimicrobial resistance in Europe 2016. Annual Report of the European Antimicrobial Resistance Surveillance Network (EARS-Net). Stockholm: ECDC; 2017.
  4. Conseil Scientifique de l’Observatoire National de l’Epidémiologie de la Résistance Bactérienne aux Antibiotiques Rapport d’activité Annuel 2015, Édition Novembre 2016.
  5. Federal Office of Public Health and Federal Food Safety and Veterinary Office. Swiss Antibiotic Resistance Report 2016. Usage of Antibiotics and Occurrence of Antibiotic Resistance in Bacteria from Humans and Animals in Switzerland. November 2016. FOPH publication number: 2016-OEG-30.
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